réflexions sport - santé partie 2
4 nov. 2024

suite de la première partie de l'article …
La dimension peut être la moins développée des manuels sport santé : la dimension neuro motrice
C’est le sujet qui m’intéresse le plus actuellement car peut être le moins clair dans les prescriptions officielles, l’intérêt de l’activité physique sur la santé cérébrale.
Le guide du sport santé de l’American collège of sports medicine le concède « Cibler spécifiquement le système neuromusculaire dans les populations non cliniques est une approche d’entrainement relativement nouvelle , il n’y a pas de consensus concernant le nombre optimal de répétitions, l’intensité ou les méthodes de progression pour l’exercice neuro moteur »
Tout mouvement volontaire suppose un flux à double sens d’informations sensitives entre les mécano récepteurs des articulations, des muscles des fascias entre le système vestibulaire et visuel d’une part et entre les différentes aires du cerveau chargées du mouvement volontaire, de la modulation de force, de la précision, de la stabilisation reflexe, des mouvements automatisés, des réflexes primaires …d’autre part
La science est formelle, notre cerveau est « plastique » et a la capacité de réorganiser les connexions nerveuses tout au long de notre vie au rythme de nos apprentissages. Mieux, il dispose de la capacité à fabriquer de nouveaux neurones (processus de neurogénèse).
Thomas Hanna parlant du « mythe du vieillissement « en évoquant le fait que l’amnésie sensori motrice dont souffre beaucoup de personnes vieillissantes (par manque de stimulation) est tout à fait réversible.
Si le bénéfice des activités d’endurance a été prouvé grâce à l’effet d’oxygénation et d ’apports nutritionnels engendré par l’activation du flux sanguin…La recherche depuis une quinzaine d’années s’intéresse aux effets bénéfiques des activités de force. Les secrétions hormonales et anaboliques induites par les efforts de force seraient impliquées dans le processus de neuro genèse (efforts de force suffisamment élevés pour décharger le flux nerveux avec une grande magnitude et une fréquence de décharge aussi élevée que possible…., mais aussi les efforts volontaires avec co contraction et irradiation musculaire (type super gainage)
Ce champ ouvre de nombreuses perspectives :
- Vers la prévention des maladies neuro dégénératives (selon des mécanismes que je dois mieux comprendre)
- Vers l’entretien et la restauration des capacités d’équilibre
- Vers l’entretien des capacités proprioceptives
Autre dimension très importante que l’on rencontre avec les personnes âgées, la détérioration des mouvements automatisés comme la marche mais aussi les mécanismes posturaux de lutte contre la gravité. C’est un peu comme si l’être humain faisait à partir d’un moment de sa vie le cheminement inverse du bébé vers la bipédie et voyait réapparaitre des réflexes archaïques en lien avec un sentiment d’insécurité nouveau.
Ces questions passionnantes ouvrent les champs d’étude et de compréhension des réflexes primaires , des niveaux d’évolution motrice mis en évidence par le kinésithérapeute Michel Le METAYER mais aussi d'un intérêt tout particulier sur les rôle des pieds et des chevilles (mobilité , force intrinsèque et extrinsèque, connexion avec les muscles fessiers ) et du gainage dynamique du tronc comme facteurs essentiels de stabilisation reflexe
Ce dernier point nous invite à enrichir le sport santé de situations stimulantes, imprévisibles , riches en informations de toute nature et permettant des réponses adaptatives diverses (nous sommes au cœur des théories écologiques de l’apprentissage )
C’est cet aspect qui aura été le plus nouveau dans ma pratique et une séance avec une personne âgée est composée pour un gros tiers de ces éléments. Ces questions auront été complétement absentes de mon cursus universitaire et ce sont elles qui me questionnent le plus aujourd’hui.
J’ai compris également un élément essentiel, la vie des gens est compliquée dans la trentaine -début de la quarantaine (enfants, travail , charge mentale …) et je rencontre des personnes (surtout des femmes) qui n’ont vraiment pas de temps pour elles.
C’est sur la cinquantaine et surtout le début de la retraite qu’il faut mettre le paquet pour retrouver la plus belle forme de sa vie alors une semaine de type ci-dessous devient réalisable :
- 1h 30 de marche active par jour (ou de vélo)
- 3 entrainements d’1 h de renforcement musculaire (une occasion de fréquenter une salle de sport… (ou 6 fois 12- 15 minutes tous les jours (je teste d’ailleurs ce format avec une trentaine de personnes qui suivent mes cours collectifs)
- 1 séance de haute intensité si possible avec de la course pour ne pas perdre ce pattern essentiel (courte 30 minutes) , mais toute autre pratique intensive fera l’affaire
- Dans l’idéal une pratique associative encadrée pour pratiquer une activité physique avec d’autres personnes (par exemple de la danse, ou du yoga , du pilates du stretching…
- Et une activité de jeu et d'équilibre (pour s’assurer que l’on est toujours capable de jouer avec des enfants… mais aussi pour entretenir notre capacité de prise d’information et d’adaptations à des contextes imprévisibles )
Comment rendre la pratique du sport pour la santé simple , réaliste et durable
Compléter et enrichir la palette du sport santé, faire tendre ses ambitions vers la santé optimale et non minimale est un formidable sujet d’étude …Mais on revient vite à la réalité du terrain comment rendre tout cela simple, concret et surtout réaliste (dans les contextes de vie et de personnalité des personnes que nous accompagnons)
Là est le vrai défi de nos métiers, nous devons accompagner ces personnes vers l’autonomie, vers le plaisir du mouvement retrouvé et surtout ancrer des habitudes de pratique durable et régulière.
Pratiquer une activité physique, faire des efforts est pour nous une source de plaisir et nous ne nous sentons pas bien lorsque nous ne bougeons pas assez …C’est tout autre chose pour le public que je cottoie , l’activité physique est d’abord perçue comme une corvée obligée voire une souffrance et on comprend bien comment des personnes inactives longtemps finissent par tuer en elle tout désir d’exploration et de mouvement .
C’est là que chaque personne est unique et je m’amuse pour chacun de mes « accompagnés » à chercher la formule qui peut fonctionner
( Pour l’un ce sera disséminer dans l’appartement des objets affordants , invitant au mouvements, engager un autre dans un programme rédigé et ondulatoire sur vélo d’appartement (comme un vrai sportif ) , pour un troisième créer un cahier spécial d’exercices décoré par son fils , pour un autre un poster affiché dans le salon , pour un autre challenger sur un nombre de pas journaliers , pour une autre enfin passer par des formules Tabata en musique ou encore des exercices de force selon le principe du GTG … bref trouver des moyens efficaces d’inciter les personnes à bouger en dehors de notre présence est un enjeu essentiel )
Ce qui semble fonctionner chez les personnes que j’accompagne c’est le principe de l’objectif : « qu’est-ce que vous aimeriez faire (ou refaire) mais qui supposerait une meilleure condition physique »
. Parfois l’objectif est rapide à trouver, parfois plus long à se dessiner … mais je me rend compte qu’une fois défini, il devient une vraie source de motivation
Ce qui m’importe particulièrement, (si cela convient à la personne) c’est de la diriger vers une pratique associative collective, j’ai eu de beaux succès depuis deux ans avec des redirections cers des cours de Pilates, vers le Ping Pong ou encore l’aqua gym
Pour finir : l’importance des relations sociales
Je vais conclure ce petit document par un dernier grand enseignement que ces deux années m’ont offert.
Certes pratiquer une activité sport santé régulière est fondamentale pour la santé, mais pour aimer la vie il fait qu’elle ait un sens et je me rends compte que c’est la solitude qui tue les gens à petit feu.
Je quitte tous les jours des personnes avec le sentiment du travail bien fait , mais je les laisse seule , sans autre visite programmée que la mienne ou celle d’un énième rdv médical
Je n’imaginais pas à quel point vieillir sans préoccupations de ses voisins était si difficile
