Retours d'experience sur l'accompagnement sport santé du public séniors - partie 1
17 avr. 2025

1er article d’une série de quatre sur mon expérience auprès du public dit séniors
Je commence avec la tranche d’âge 60 – 75 ans que je considère comme un second âge d’or (après le pic de capacité physique entre 25 et 30 ans )
En effet (je vais certes généraliser ! ) cette période coïncide avec le temps pour soi retrouvé (les enfants ont grandi, l’engagement vis-à-vis du travail devient plus raisonné et puis viens la retraite parfois déstabilisante mais qui offre enfin du temps) …Une occasion formidable de reprendre sa condition physique en main avec l’espoir très réel de résultats probants et étonnants.
Dans le même temps c’est aussi une période ou les conséquences des années de sédentarité plus ou moins subies, du stress supporté … s’expriment dans notre corps , c’est aussi hélas le moment d’apparition au grand jour de certaines pathologies à développement sourd et qui peuvent tout à coup impacter fortement notre qualité de vie.
Dans le cadre de mes coachings individuels j’ai ainsi accompagné durant ces 4 dernières années une quinzaine de personnes de cette classe d’âge qui à la suite de carrières professionnelles intenses, de vie de famille plus ou moins compliquées mais aussi de pathologies étaient devenues très sédentaires.
Chaque accompagnement est unique mais je peux aujourd’hui commencer à avancer quelques jalons structurants de ma pratique.
Idée numéro 1 : s’inscrire dans le long terme avec une vision minimale à trois ans pour bien prendre le temps de faire les choses et de réhabituer progressivement le corps à l’effort. ( il est enfin fini le temps on tout doit aller vite et fort ! )
Idée numéro 2 : on peut s’entrainer à cet âge pour réellement progresser et obtenir des résultats sur toutes les composantes de la condition physique (capacités cardio-vasculaires et respiratoire, équilibre, force nerveuse, hypertrophie musculaire, endurance de force ; coordination, réactivité, puissance, qualités myofasciales de restitution d’énergie …)
Nous ne sommes pas dans une période de restrictions et d’entretien mais bien de développement à la condition de se donner du temps et de prendre en compte une nécessaire phase de réadaptation à l’effort et au mouvement
Idée numéro 3 : avant de se lancer à cet âge dans un processus d’entrainement (quel qu’il soit ! ) ou d’inscription à une activité physique, il faut compenser les années de sédentarité cumulées et les conséquences de ce manque chronique de mouvements quotidiens sur le corps
Plusieurs années de stress, de charge mentale, de manque de mouvements variés finissent par façonner le corps et les postures et j’ai acquis la conviction que notre plus-value en tant que professionnel du sport santé prenait tout son sens dans l’accompagnement initial que j’appelle le socle 0 et que je vais plus particulièrement détailler dans cet article
Tout d’abord, c’est une évidence mais il faut le rappeler, un bilan médical de départ s’impose. J’ai la chance de collaborer avec des médecins dans le cadre du sport sur ordonnance qui me donnent des points de vigilance (ce qui est bien diffèrent de la notion de restriction)
En parallèle J’ai beaucoup travaillé sur la qualité de mon bilan initial (et je continue toujours de le faire, pas encore pleinement satisfait de son aboutissement)
Voici les principales limitations que je rencontre de façon quasi systématique ( à différents degrés) chez toutes les personnes que j’ai eu la chance d’accompagner
- Un pied chloroformé par le port de chaussures
Notre pied (28 os, 35 articulations) est d’une richesse motrice et sensorielle fascinante, mais force est de constater que les personnes sédentaires arrivent à la retraite avec un pied « décâblé » incapable de mouvement différenciés, de production de force intrinsèque et extrinsèque, de capacité tendineuse … remettre le pied en bon état de fonctionnement est une des priorités absolues de départ
- Un bassin monobloc
Réussir à mobiliser le bassin dans tous ses degrés de mouvement et indépendamment du reste du corps est une capacité essentielle mais impossible pour la très grande majorité des personnes sédentaires. Ressentir les capacités de mouvements du bassin est aussi une priorité absolue qui va permettre de soulager les articulations adjacentes devenus au fil du temps compensatrices de ce manque de mobilité
- Une respiration diaphragmatique profonde perdue
J’ai pour habitude de soumettre les personnes à un test tout simple, essayer de respirer sur un cycle inspiration (par le nez) de 5 sec expiration par la bouche de 5 sec. Je me suis rendu compte que cette durée de 10 secondes pour effectuer un cycle était problématique pour la grande majorité des personnes, peu habituées à cette amplitude respiratoire. Il faut bien souvent réapprendre la mécanique respiratoire (diaphragme, muscles transverses), remobiliser la cage thoracique … les exercices somatiques au sol mais aussi la marche afghane étant mes outils préférés
- Des difficultés à maintenir son équilibre sur un pied
Une vie sédentaire d’adultes ne nous expose plus aux prouesses d’équilibre, ni aux mouvements de tête que peuvent générer les jeux de ballons ou encore les galipettes …Si on rajoute la perte d’habileté de nos pieds … nous avons le combo qui conduit précocement aux problématiques d’équilibre et je les rencontre chez des personnes de plus en plus jeunes
Retrouver une pleine capacité d’équilibre sur une jambe est un prérecquis essentiel avant d’aborder le renforcement musculaire fonctionnel. Ce sera un des pivots de ce socle 0
Il faut rappeler que la capacité d’équilibration est une fonction automatisée et qui n’est pas régulé par les mêmes aires du cerveau que les mouvements volontaires. Cela rend l’entrainement de l’équilibre un peu complexe. Les personnes disposent bien des programmes reflexes d’équilibration en eux et il va falloir les réactiver …sujet passionnant dont je suis loin d’avoir fait le tour !
- Des pertes de fonctions articulaires
Mon bilan repose essentiellement sur l’évaluation des fonctions articulaires et je constate quasiment toujours les mêmes restrictions chez les personnes de 60 – 75 ans :
- Difficulté à incliner la tête sur le coté
- Difficulté à exprimer sans compensation (en particulier au niveau du tronc) des rotations au niveau des épaules
- Difficulté à bouger les omoplates en particulier dans les mouvements de sonnettes
- Difficulté à segmenter (vertèbres par vertèbres) la flexion et l’extension de la colonne vertébrale
- Difficulté à effectuer des rotations de la colonne vertébrale
- Difficulté à effectuer sans compensation des rotations et des extensions de hanche
Se rajoute à ces focus localisés, des difficultés à mobiliser une articulation indépendamment de celles situées en dessus et en dessous
Du coup le travail de mobilisation articulaire lente et consciente (associée à la respiration) (puis dans un second temps de mobilité plus intense) est une routine quotidienne que j’essaye d’inculquer chez les personnes avec des résultats très encourageants et des répercussions sur le bien être très marquées
- Des problématiques de contrôle moteur et des angles de production de force critiques
A force de rester trop longtemps dans des positions articulaires trop peu variées en position de raccourcissement musculaire, il arrive souvent que les personnes désapprennent à activer certains groupes musculaires et / ou se retrouve en difficulté pour produire de la force à partir de certains angles articulaires critiques
J’observe de façon quasi systématique des difficultés à recruter efficacement les muscles fessiers, les grands dorsaux, les muscles de la sonnette des omoplates, les stabilisateurs de l’humérus, les abdominaux, les paravertébraux et les adducteurs.
Pour ce qui est des cuisses j’observe très souvent des difficultés à produire de la force dés que l’on s’approche des 90 ° (le fameux exercice de la chaise) et donc pour toutes les positions à angles aigus (pourtant indispensables pour se mettre et se relever du sol) … même choses pour les fonctions de poussée (illustrée cette fois ci par la capacité à descendre bas sur une pompe et à remonter …)
Les exercices d’isométrie avec une grande conscience de la tension musculaire exercée vont être des outils de choix pour corriger ces problématiques de contrôle moteur, le yoga étant un magnifique point d’entrée dans ce travail.
Surtout (et c’est un véritable crédo pour moi) passer du temps à retrouver des capacités de gainage du noyau central du corps (disons la zone comprise entre les genoux et les épaules ) est pour moi un prérequis absolu avant tout programme de renforcement musculaire , … avec quelques situations références clés comme tenir différentes variantes de planche active indéformable à la gravité, ou encore la position de gym du hollow et enfin les positions de gainage latéraux.
Ces positions de référence devant devenir de vraies positions de stabilité sur lesquelles nous pourrons venir greffer des mouvements dynamiques volontaires …
- Un manque général d’activité physique non sportives
Priorité essentielle également avant de se remettre au « sport « élever son niveau de dépenses énergétiques quotidiennes (ce que je pourrais résumer par « passer toujours moins de temps assis dans la journée «
C’est souvent le seul travail que les personnes ont à faire en dehors de nos séances durant les premiers mois, tracker le temps assis et questionner toutes les possibilités pour marcher plus … Prendre aussi l’habitude comme le font si bien les asiatiques de placer tout au long de la journée des micro-pauses de mouvements de mobilisation articulaire
Voici donc ce que je considère aujourd’hui comme le socle 0 pour un néo retraité désireux de reprendre sa santé en main et ce avant d’envisager de se lancer dans des activités.
La durée de ce socle est variable dans le meilleur des cas avec de personnes très investies et adhérentes nous l’obtenons en 2 – 3 mois, parfois il faut 6 mois
Sur ce socle retrouvé on va pouvoir greffer un entrainement avec encore une fois une vision à long terme et l’objectif d’atteindre les 75 ans dans la meilleure forme de sa vie …Je considère aujourd’hui que ma grande plus-value auprès de ce public est de les aider à rebâtir ce socle indispensable pour construire une belle maison de « retraite « (sens positif du mot) résistante et anti sismique …
Pour illustrer cet article j’évoquerais dans le détail la préparation d’un couple de retraités que j’entraine depuis deux ans
